skip to Main Content
madagascar fondation heloise charruau

Il y a bientôt un an, le dispensaire Héloïse entrait en action dans la mission catholique de Tsarahasina à Madagascar animée par le Père Bertrand de Bourran. Clotilde, médecin volontaire des Missions Etrangères de Paris (MEP), témoigne sur sa rencontre spirituelle avec Héloïse durant son apostolat de santé auprès des plus pauvres de cette contrée au milieu de l’Océan Indien. Donnons lui la parole :

Un an de vie avec les MEP dans un dispensaire de brousse (Tsarahasina – Madagascar)

samedi 31 décembre 2016

Héloïse

J’ouvre les portes du dispensaire et son visage souriant m’accueille. Sa présence est tellement discrète en ce lieu, et pourtant, elle l’imprègne. Héloïse.

A mon arrivée en novembre 2015, le père Bertrand m’a tendu un petit livre et m’a dit avec son accent du Sud-Ouest “Tiens, tu peux lire ce livre qui a été écrit sur Héloïse”. Premier contact, avec celle qui va accompagner mon année de volontariat.

Session de formation MEP en mai 2015, dans la petite pièce où nous reçoit la psychologue pour un entretien avant les missions de longue durée, à la question qu’elle me pose doucement “Est-ce qu’il y a des choses qui te font peur dans ta future mission ? Des faiblesses ?”, je réponds directement “la mort”. Les visages de mes patients de Bar-le-Duc, dont les fins de vie ont été plus ou moins longues ou difficiles sont encore bien et douloureusement présentes à mon esprit. Celui de mes grands-parents aussi. Et je sais qu’à Madagascar j’y serai confrontée, régulièrement.

Et voilà qu’à peine arrivée, je rencontre Héloïse, fille de cousins du père Bertrand, morte à 25 ans, le 31 octobre 2010, d’un lymphome.

Héloïse correspond à tout ce qui m’aurait révoltée en France, pays où la médecine scientifique et technique peut tant et ne cesse de progresser : à 17 ans, alors qu’elle va passer son baccalauréat, les premiers symptômes de la maladie apparaissent et les traitements qu’elle va recevoir l’empêchent de passer son bac. Finalement, après 8 ans de traitements, rémissions, rechutes, elle s’éteint. Quelle lumière peut m’apporter cette jeune fille qui représente pour moi, en tant que médecin, l’échec de la mort due à la maladie ? Le témoignage de “la joie et la croix”. Celui de la maladie offerte. De la vie, vécue.

Ses parents, après avoir fondé une association à son nom, ont financé la construction du dispensaire de Tsarahasina sur la suggestion du père Bertrand.

Souvent je l’oublie un peu, lorsque je suis submergée par le flot de consultations ou par leur difficulté. Et pourtant, justement lorsque je suis submergée, elle refait surface. Elle ne s’impose pas non, elle s’offre, elle se propose discrètement.

Ainsi, lors des biberons parfois tellement difficiles de nos petits dénutris ou lorsque la difficulté des situations me dépasse, je me tourne vers elle. Je lui confie mes patients, mes doutes, mes difficultés. Et elle les accompagne doucement. Elle qui voit défiler le flot des malades accompagnés de leur famille, qui attendent devant la salle de consultations, assis sur leur chaise ou couchés sur la natte de raffia. Elle qui voit arriver les charettes à zébus. Et elle qui les voit repartir. Elle qui voit les biberons donnés. Elle qui accueille les femmes enceintes venues pour leurs consultations pré-natales. Elle qui a veillé avec nous, quelque instants, le petit corps de Hendrix, enveloppé dans un lamba et déposé juste à ses pieds, lui qui venait de la rejoindre. Comme elle a accompagné du regard certains patients qui repartent guéris ou avec un pronostic sombre. Ce n’est pas elle qui me l’a suggéré, mais j’apprends à lui demander l’impossible, lorsque les limites techniques de mes compétences ou mes propres limites physiques sont atteintes. Elle m’apprend à offrir, à abandonner la mort de mes patients, ceux qui ne reviennent pas et pour qui je m’inquiète, ceux que je réussis à guérir ou à suivre…

Je ne sais pas si Héloïse s’est parfois posé la question du “pourquoi ?”, “pourquoi moi ?”, “pourquoi la maladie ?”. Je pourrais également me poser ce genre de question “pourquoi ?”, “pourquoi moi ?”, “pourquoi la mission ?”, “pourquoi soigner des gens qui ne voient pas que parfois je leur sauve la vie ? Qui ne disent jamais merci ? Qui me sont totalement étrangers ?”. Je ne me pose pas ces questions car pour moi la mission était une évidence. En tous cas, je sais que nos réponses se rejoignent. Car ce qu’elle a vécu et ce que je vis ici ne trouvent de signification que dans l’abandon, parce que toutes les deux, nous sommes dépassées par ce qui nous arrive.

medecin-mep-heloise

Back To Top
PGlmcmFtZSBmcmFtZWJvcmRlcj0iMCIgc2Nyb2xsaW5nPSJubyIgbWFyZ2luaGVpZ2h0PSIwIiBtYXJnaW53aWR0aD0iMCIgc3JjPSJodHRwczovL2FwcC5tYWlsamV0LmNvbS93aWRnZXQvaWZyYW1lLzFHbTMvUnoiIHdpZHRoPSIzNjAiIGhlaWdodD0iMjg2Ij48L2lmcmFtZT4=