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En Afrique comme dans le monde entier, la pandémie s’étend en ce mois d’avril et le Bénin n’y échappe pas même si les « statistiques officielles » y apparaissent relativement faibles par rapport aux pays occidentaux en cette fin avril. En ces pays d’Afrique, la récurrence d’épidémies virales est une réalité que les populations affrontent avec de grands sacrifices dans un contexte de précarité sanitaire que de nombreuses ONG s’évertuent à combattre avec ténacité.

Au Bénin, la route du Sud vers le Nord est quasiment fermée. Les rassemblements religieux toutes confessions sont prohibées depuis mi-mars. On se prépare laconiquement si l’on peut dire selon les moyens rudimentaires disponibles tel un masque ou foulard sur le nez et un renforcement des mesures d’hygiènes dans les lieux accueillant du public (accès à un robinet et du savon), comme la mairie, les écoles ou encore les bars. Même les taxis brousse ont dû revoir leur organisation puisqu’il n’est plus possible de monter à 5 (adultes, sans compter les enfants) sur la banquette arrière du taxi, mais seulement plus qu’à 3 personnes. Les marchés continuent de se tenir dans leur large majorité, avec des mesures préventives quasiment inexistantes dans une très forte promiscuité. La « distanciation sociale » reste donc très relative. Face à la menace locale d’une pandémie telle que le COVID-19, le jugement des européens ne peut être fondé sur des statistiques médicales non fiables dans un pays où la durée de vie est très inférieure à celle des pays dits « occidentaux » et où les causes de mortalité dès le plus jeune âge sont souvent multifactorielles : symptômes confus typhoïde / paludisme / etc…, Le pourcentage des personnes âgées de plus de 65 ans reste très bas et aurait même tendance à baisser au Bénin (<3%, Europe de l’Ouest > 20%).

BENIN Alfa Kpara a l heure ou le COVID  envahi la planete

A l’internat de l’école d’Alfa Kpara, des mesures pour se laver plus régulièrement les mains au savon ont été prises, jusqu’aux vacances scolaires de Pâques. Celles-ci ont été avancées d’une semaine (30 mars), puis rallongées pour une reprise prévue le 11 mai. L’internat est donc bien calme en ce moment…

Le quotidien se poursuit, chacun doit continuer à trouver sa subsistance quotidienne, l’urgence est de se nourrir avant toute chose, le virus passe après. On risque davantage de mourir de faim que d’un virus. Un confinement ne pourra donc jamais être une option viable dans cette région du monde.

Pour appréhender l’irruption en Afrique d’un COVID-19 avec un système de santé très précaire et une éducation sanitaire quasiment inexistante, laissons la parole à nos volontaires François et Charlotte Verger :

Être malade au Bénin

Après ces quelques mois passés au Bénin, nous avons pu vivre à plusieurs reprises l’expérience de l’accès aux soins. Rien de grave, simplement de petits désagréments par lesquels passent tous les « blancs », ne vous inquiétez pas ! Nous pensions important de vous retracer le parcours d’un patient ici, afin de prendre conscience de la chance que nous avons en Europe d’avoir un système de santé aussi performant. Le parcours est plus ou moins le même quel que soit le centre de santé :

Parcours d’un patient :

  1. Tout commence par l’arrivée au centre de santé où les constantes du patient sont prises par un aide-soignant (température, poids, tension)
  2. A la suite de cela, il faut aller payer à une caisse le prix de la consultation, et éventuellement le carnet de santé
  3. Ensuite, s’en suit une longue attente avant la consultation, parfois plusieurs heures selon l’affluence. Bien des fois, il est préférable d’aller tôt le matin afin de s’assurer de passer dans la journée…
  4. Pendant la consultation, le praticien (parfois médecin, mais le plus souvent infirmier voir sage-femme si l’infirmière est sortie) établit un diagnostic et une prescription médicamenteuse.
  5. Après la consultation, il faut de nouveau passer à la caisse pour payer les médicaments prescrits.
  6. Une fois les médicaments réglés, le patient peut à présent récupérer les médicaments.
  7. Selon son état, soit il rentre chez lui pour se traiter avec les médicaments, soit on lui fait une injection d’un médicament pour une efficacité plus rapide, soit il reste quelques heures ou jours en hospitalisation où il sera souvent perfusé.

Plusieurs différences sont particulièrement notables par rapport à notre système de santé :

Sur le coût des soins :

  • Très peu de gens ont une sécurité sociale (seuls sont qui ont un emploi déclarés avec un contrat et les fonctionnaires, soit très très peu de monde). Et même ceux qui en bénéficient ne sont pas couverts pour l’ensemble de leurs soins. Ainsi, la très très large majorité de la population se retrouve à prendre totalement en charge leurs frais médicaux. Le coût de la santé est énorme par rapport au niveau de vie. Par exemple, pour une consultation et des médicaments, le coût est souvent compris entre 5 000 et 10 000 FCFA * , et l’analyse souvent autour de 10 000 FCFA, alors que le SMIC est de 40 000 FCFA * par mois (pour ceux qui ont la chance de gagner un SMIC). Imaginez-vous les frais que cela peut représenter sur une famille avec 6 enfants par femme ! Il n’est alors pas difficile de comprendre que les gens attendent le dernier moment pour se faire soigner, espérant que la maladie passe d’elle-même, mais au risque d’avoir des frais encore plus élevés si l’état de santé empire.
  • La population, même éduquée, n’a pas du tout de culture médicale de base. Pour autant, pour obtenir des explications des praticiens, il faut poser une batterie de questions, car ils n’ont pas du tout l’habitude d’expliquer les symptômes des maladies, les traitements… Nous avons vu à plusieurs reprises voir des villageois venir nous voir avec leur ordonnance, tellement ils étaient perdus.
  • Comme c’est bien connu, l’environnement sanitaire en Afrique est loin d’être aussi aseptique qu’en Europe. Même si les béninois sont bien plus résistants que des petits français, ils ne sont pas épargnés et doivent aller plusieurs fois par an dans un centre de santé.
  • Face à ce système de santé difficilement accessible pour une population pauvre, il y a encore un recours important à des guérisseurs, en premier lieu, avant d’aller au centre de santé. Le guérisseur va alors, pour quelques 1 000 ou 2 000 FCFA * et un coq blanc (nécessaire pour que la guérison fonctionne) qui sera sacrifié, appliquer des pommades et faire des tisanes à base de plantes. Ces traitements sont souvent très puissants mais pas souvent efficaces…

Sur le personnel soignant :

  • Au Bénin, il y a très peu de médecins, et encore moins de spécialistes. La plupart des médecins sont au Sud du pays. Au Nord, les spécialistes se trouvent dans les grands hôpitaux, mais on ne trouve pas tous les spécialistes pour autant. Par exemple, pour de la dermatologie ou ORL ou gastro-entérologie, il faut aller à Parakou, soit à 2h de route de Djougou. Mais il ne faut pas tomber un jour où ce spécialiste est de garde dans un autre hôpital du pays, sinon, il n’y a plus qu’à revenir un autre jour, …et vu qu’on ne prend pas de rdv, ça arrive !
  • Par manque de personnel formé, en particulier par manque de médecin (beaucoup partent en Afrique du Sud, en Europe ou essayent de rentrer dans les ministères), il y a un fort glissement des compétences. L’infirmier remplace le médecin, l’aide-soignant remplace l’infirmier. Le pharmacien n’a souvent fait qu’une année d’étude et ne connait pas les molécules et formules des médicaments (ex : lorsqu’on demande du doliprane et qu’il n’y en a plus, il ne sait pas qu’il peut remplacer par du paracétamol).

Sur le diagnostic :

  • Il est très souvent nécessaire de faire une analyse de sang pour faire un réel diagnostic car beaucoup de maladies présentent les mêmes symptômes (typhoïde, paludisme, infection intestinale, …).
  • Etant donné qu’il est difficile d’établir un diagnostic sans analyse et même avec des analyses, le diagnostic reste incomplet, le praticien préfère prescrire les médicaments comme si cela pouvait être toutes les maladies combinées. Souvent pour une fièvre avec problèmes intestinaux, la prescription comprendra antihistaminique, anti-palu, antibiotique à large spectre, déparasitant et paracétamol.
  • Dans les cas où le diagnostic présente une maladie telle qu’un cancer (quand les moyens matériels permettent de le détecter), il n’y a aucun traitement accessible pour le patient. Même au Sud du pays, très peu d’hôpitaux sont à même d’avoir du matériel et de fournir des soins pour ce type de maladie. Et même si c’était le cas, les coûts sont tels que le patient ne pourra jamais y avoir recours. Se pose la question de l’intérêt de dépister de telles maladies, si de toute façon, le patient est condamné…

Sur la prise en compte de la douleur :

  • Bien que les béninois aient un seuil de tolérance à la douleur bien plus élevé que nous, la prise en compte de la douleur est quasiment absente. Il y a peu de traitements qui permettent de soulager la douleur (à part la morphine). Lorsque des infirmiers et sage-femme français nous racontent comment se passent les accouchements, nous sommes stupéfaits, car les femmes ne doivent pas montrer de signe de souffrance au risque d’être brutalisées par la famille ou par le personnel béninois.
  • Alors qu’en France le personnel soignant est plutôt doux et prévenant avec les patients, ici, les patients sont traités sans réels état d’âme, un peu à la chaîne. Le confort n’est pas un sujet.
  • Dans les cas où l’état de santé du patient permet d’avoir le choix, les patients et praticiens ont une forte préférence pour l’injection plutôt que la prise de médicaments. La croyance est que l’injection est plus efficace, car cela fait mal. Et quand cela fait mal, c’est que cela aura plus d’effet. Il faut traiter le mal par le mal !

* 1 FCFA = 0,0015 euro, SMIC = 60 euros par mois, 1 analyse de sang = 15 euros, 1 consultation médicale = 7 à 15 euros, prise en charge Sécurité Sociale = 0 euro pour la majorité de la population, consultation guérisseur 3 euros + prix d’un « coq blanc ».

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